samedi 14 septembre 2024
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Fiabilité et exigence de l'information santé à l’ère du tout numérique, enquête

Enquête

Face aux profondes évolutions du journalisme liées au développement du numérique et au changement des modes de consommation des médias, y compris dans le domaine de la santé, l’Argus de la presse et Capital Image ont mené l’enquête sur les « Nouvelles pratiques du journalisme de santé »* afin de mieux cerner la vision du métier, les attentes et les craintes des journalistes de santé. Au vu de ces résultats, sociologue des médias, directeur d’école de journalisme et journalistes se sont exprimés sur le bouleversement provoqué par l’avènement du numérique sur l’évolution du journalisme de santé. L’ensemble de ces interviews est diffusé sur le site de l’Observatoire de l’Information Santé.

Des journalistes santé expérimentés et « connectés »
77% des journalistes ayant répondu à l’enquête sont des femmes. 70% des effectifs ont plus de 40 ans, gage d’une certaine expérience puisque près de la moitié exerce ce métier depuis plus de 20 ans. Majoritairement détenteurs de la carte de presse (80%), près de la moitié des journalistes interrogés sont pigistes (42%). Pour Barbara Letscher, International Relations Officer à l’Argus de la presse et coréalisateur de l’enquête, « dans cette enquête spécialisée sur les journalistes santé, nous comptons une population majoritairement féminine laissant penser que les « journalistes femmes » sont plus sensibles et véhiculent plus facilement l’information santé. Il y a également une plus forte proportion de journalistes pigistes. Même si nous ne pouvons pas en tirer de conclusion directe, nous pouvons constater une précarité au travers de ce statut qui à terme peut nuire au métier.» Les journalistes en santé sont également « connectés ». 63% détiennent un compte professionnel Twitter et 45% ont un compte Facebook auxquels ils se connectent quotidiennement.

Explications et pédagogie, priorités des journalistes santé
89% des journalistes santé considèrent que leur métier consiste avant tout à expliquer et analyser ; 79%, à rendre compte d’informations nouvelles ; 72%, à sensibiliser et éduquer et 56%, à enquêter et investiguer. Pour mener l’enquête et relayer les informations, les journalistes privilégient comme sources principales les experts référents (85%), Internet (84%), les réseaux professionnels (69%) et les réseaux sociaux (27%). « Les journalistes santé ont deux maîtres mots : « liberté » qu'ils revendiquent pour eux-mêmes et appliquent au quotidien dans leur métier aussi bien sur les contenus de l’information que dans l’orientation et le traitement qu’ils lui donnent ; « exigence », de l’autre : analyser, décortiquer l’information, investiguer, interviewer les experts, lire les études de référence… », explique Damien Philippot, Directeur adjoint, département Opinion, Ifop.

Les agences et services de presse, partenaires privilégiés des journalistes santé
85% des journalistes santé travaillent avec les services de presse des entreprises/institutions/associations et 64%, avec les agences de relations presse et de relations publiques spécialisées en santé. Plus de la moitié des journalistes travaillant avec eux saluent leur efficacité. « Les agences RP spécialisées en santé sont de très loin les leaders des RP santé. Elles ont acquis un savoir-faire dans ce domaine depuis plus de vingt ans. Crédibles et réputées auprès des journalistes de santé, elles ont su instaurer une relation de confiance réciproque », indique Olivier Robichon, Rédacteur en chef de Prescription Santé.

Le numérique bouleverse l’information santé
« Les informations sortent aujourd’hui à un rythme absolument hallucinant. C’est très difficile, même avec un peu de recul, de faire le tri, d’avoir le bon sujet au bon moment pour être aussi rapide que la concurrence sans écrire d’inepties et de garantir une information parfaitement juste et fiable.» Ce témoignage d’Anne Jeanblanc, journaliste santé au magazine Le Point, illustre les difficultés auxquelles la profession est confrontée. Les résultats de l’enquête confirment ces propos. En effet, 47% des journalistes déplorent être obligés de produire un papier sans toujours avoir le temps de vérifier leurs sources ou de documenter leur sujet ; environ 4 journalistes sur 10 sont exaspérés de devoir écrire sur un sujet inintéressant ou déjà traité.

Une information de santé trop peu encadrée
Les journalistes santé sont nombreux à craindre la diffusion de contenus non vérifiés notamment avec le développement des réseaux sociaux. En cas de diffusion d’une information erronée, les journalistes santé préconisent, à 75%, une réaction rapide des autorités de santé. « Le public est régulièrement confronté à une cacophonie sur l’information santé. Le manque de mise en perspective de cette information, diffusée sans lien d’une information à une autre, pose également le problème de sa hiérarchisation. La mise à disposition facile et immédiate de tout type d'information peut également avoir un effet stressant sur le public et créer la confusion », insiste Jean-Marie Charon, sociologue des médias, ingénieur d’études CNRS. La crédibilité des journalistes eux-mêmes repose également en partie sur celle des experts qu’ils consultent, et la surabondance d’information opère une mutation sur le lectorat, plus informé et donc plus critique à l’égard des relais qu’incarnent les journalistes santé. « Les journalistes doivent livrer une information instantanée ; dès qu’une information paraît, elle doit être relayée le plus vite possible. Cette information instantanée est aussi une information en continu. Le résultat est qu’elle est parfois publiée trop rapidement, sans avoir toujours été analysée ou vérifiée, sans la précaution d’une interview d’experts pour apporter un éclairage. Si la souplesse d’Internet permet de modifier l’information rapidement, lorsqu’elle s’avère incomplète ou erronée, elle est aussi à l’origine de dérives de plus en plus fréquentes de nature à déstabiliser le public et à entraîner une défiance envers tous les acteurs », explique Stéphanie Chevrel, Fondateur de l’Observatoire de l’Information Santé soutenu par la Chaire Santé de SciencesPo, Co-fondateur et DG de l’agence de Relations Publiques Santé Capital Image.

De nouvelles opportunités pour le journalisme de santé
L’explosion de la diffusion d’information et l’intérêt croissant du public qui en résulte constituent des vecteurs de croissance importants pour le journalisme santé. Face à une demande en augmentation, les journalistes se montrent plus exigeants envers leur métier et requièrent un meilleur accompagnement au quotidien. « Ces évolutions numériques valorisent le métier et ouvrent de nombreuses portes entraînant de nouvelles variétés de formats pour les années à venir. Rentrer dans le métier, à ce moment de l’histoire de la profession, doit être une source d’inspiration et de motivation car, avec le numérique, de nombreuses opportunités se présentent dans des champs encore inexplorés », affirme Pierre Savary, Directeur de l’Ecole Supérieure de Journalisme (ESJ) de Lille.

*Enquête réalisée auprès de 1 854 journalistes santé, médecine et sciences – dont 101 répondants – par questionnaire auto-administré en ligne – du 16 juin au 1er octobre 2015

Téléchargez l'infographie http://www.observatoiredelinfosante.com/userfiles/pdf/infographie_nouvelles-pratiques-du-journalisme-sante_Capital-Image-Argus-de-la-presse_2015.pdf

Plus d’information

Capital Image : http://www.capitalimage.net

L’Argus de la presse : http://www.argus-presse.fr