Vous avez été, vous êtes où vous serez amené à être aidé ou aidant. En France, la reconnaissance des aidants dans notre société est très en retard par rapport à d’autres pays. Quels sont leurs statuts et leurs droits ? La problématique des aidants, débattue au cours de la Matinale organisée par la FNIM (Fédération Nationale de l’information Médicale) en juillet dernier, concerne à la fois le médical, le social, l’économique et le politique. En réalité, il s’agit d’un véritable problème de santé publique, de société et au fond d’humanité.
La majorité des aidants ignorent qu’ils le sont
Amarantha Bourgeois, directrice des projets à l’association Jeunes AiDants Ensemble JADE, est elle-même aidante. « Ma fille aînée est polyhandicapée. Lorsque le polyhandicap arrive dans une famille, c’est toute la famille qui devient aidante. Très vite, je me suis intéressée à la façon dont mes trois autres filles pouvaient vivre cette situation avec une soeur si vulnérable. En 2013, j’ai rencontré Françoise Ellien qui avait créé les ateliers Cinéma et développé un lieu d’écoute, un temps de répit, pour que les jeunes aidants puissent se rencontrer. J’ai trouvé ce projet intéressant, j’ai découvert ces enfants aidants d’un frère ou d’une soeur, d’un parent ou d’un grand-parent, parfois de deux personnes au sein de leur famille. Ces situations complexes et toujours invisibles, ignorées encore aujourd’hui, m’ont donné envie de m’engager. »
« C’est par le plus grand des hasards que j’ai découvert le mot « aidant » lors d’un de mes stages d’internat, en accompagnant les infirmières qui prodiguent des soins à domicile », poursuit Hélène Rossinot, à la fois patiente et médecin de santé publique. Elle a publié en 2019 aux éditions de l’Observatoire « Aidants, ces invisibles ». « J’ai été surprise de découvrir que le patient n’était jamais seul avec l’infirmière pendant les soins. Il y avait toujours au moins une troisième personne, un conjoint souvent en âge de travailler, un enfant. J’ai écrit une thèse sur ce sujet, j’ai rejoint le Collectif Je T’aide, puis j’ai décidé d’écrire un livre. Au même moment, diagnostiquée depuis 10 ans d’une maladie, j’avais du mal à marcher. J’ai eu besoin de l’aide de ma mère et de mon frère. Je n’avais jamais pensé que les membres de ma famille étaient des aidants, eux non plus d’ailleurs ! »
Le droit au répit peu accessible pour les aidants
« Une phrase revenait sans cesse « c’est 365 jours par an, 7/7, 24/24 ». C’est ainsi que le thème du répit a été voté par les aidants pour notre plaidoyer 2020, observe Olivier Morice, délégué général du Collectif Je T’aide. « Pendant le confinement, nous avons réalisé une étude pour quantifier l’impact de la crise sur les aidants. S’ils avaient besoin de répit avant la crise, ce besoin tellement crucial et vital a été multiplié, entraînant des risques d’épuisement, voire de burn-out. Le droit au répit, très vaste dans sa formulation, a été annoncé dans la loi du vieillissement fin 2015. En réalité, pratiquement personne n’y a droit. Il existe de nombreux freins liés à la culpabilité ou au parcours administratif. Le droit de travailler ou de partir en vacances est théorique, le manque de reconnaissance est tel que tous ces droits qui font le socle de notre égalité nationale ne sont pas forcément accessibles pour les aidants ». Toutefois, poursuit-il : « La mobilisation d’associations et de décideurs politiques, les propositions ou projets de lois font que la place des aidants progresse. Le « plan aidants » proposé par le gouvernement, même s’il est insuffisant, présente des avancées symboliques comme la rémunération du congé du proche aidant. Cette reconnaissance minimale qui s’oppose à une place maximale des aidants commence
à sauter aux yeux de tous. C’est un vrai pas en avant. Le statut et les droits des aidants sont en train d’évoluer. »
Il n’y a pas de portrait-robot, les aidants, c’est tout le monde !
« Les aidants, c’est vous et moi, c’est un enfant de 7 ans, une personne âgée de 95 ans, une femme de 40 ans avec des enfants en bas âge, un conjoint… Certaines situations sont complètement ubuesques ! », insiste Hélène Rossinot. « La frontière entre aidants et soignants n’est pas si claire : de nombreux aidants réalisent au quotidien des actes que font des auxiliaires de vie ou des aides-soignants, certains ont appris à piquer et même à poser une perf ! D’autres deviennent euxmêmes patients car ils se sont blessés en aidant leur proche. En réalité, les professionnels de santé ne savent pas communiquer et les intégrer dans le parcours de soins. Ils ne sont pas sensibilisés au rôle et aux besoins des aidants qui méritent un programme personnalisé comme cela se fait dans certains pays : soutien psychologique, aide administrative, suivi de leur propre santé. »
En France, au moins 500 000 jeunes aidants
Amarantha Bourgeois témoigne : « Pour les jeunes aidants, le quotidien est évidemment chamboulé par la maladie ou le handicap d’un proche, selon la relation qu’ils entretiennent avec cette personne et la composition de la famille. Bien que les enfants soient invisibles pour les soignants, ils peuvent être à côté de leur maman pour une dialyse, une chimiothérapie, une consultation ou récupérer des médicaments à la pharmacie. 20 % d’entre eux pratiquent des gestes de soins. Ces jeunes recherchent avant tout un soutien moral, mais aussi une aide concrète dans la vie quotidienne comme faire les courses, le ménage, aller chercher les petits frères et soeurs à l’école, prendre en charge tout ce qu’un parent très fatigué, malade et diminué, n’est pas en capacité de faire. L’association JADE les accompagne et les aide à vivre ce quotidien. »
Une initiative assez remarquable du service public à la Réunion
Pendant le confinement, les aidants ont été mis à rude épreuve, devant souvent prendre le relais des soignants. Des initiatives comme la création d’un numéro de téléphone par l’Association JADE ou de groupes WhatsApp, Snapchat ou Facebook ont permis aux jeunes aidants de se soutenir entre eux. « À la Réunion, des aidants ont été formés en urgence aux outils numériques, un café des aidants, des groupes de sophrologie, de relaxation et de méditation, une matinée de santé pour poser toutes sortes de questions sur le Covid ont été mis en place », remarque Hélène Rossinot. Pour Amarantha Bourgeois, « Il y a urgence aujourd’hui à sensibiliser les enseignants, les psychologues de l’éducation nationale, les infirmières scolaires, les assistantes sociales à repérer et accompagner les jeunes aidants qui, transformés en soignants, ont du mal à suivre leur scolarité par temps de Covid. »
La conférence a été conclue sur une phrase d’Amarantha Bourgeois, Association JADE : « Si le système de santé était une plante, les aidants proches en seraient les racines fragiles, vitales et invisibles ».
En savoir plus : https://www.visite-actuelle.fr/
– https://jeunes-aidants.com/
– http:// associationjetaide.org/
Voir la conférence :
– https://www.lafnim.com/
– https://www.acteursdesante.fr/ces-11-millions-daidants-indispensables-au-parcours-de-soins/1692/
Commander l’ouvrage « Aidants, ces invisibles », aux Editions de l’Observatoire
– https://www.editionsobservatoire.com/content/Aidants_ces_invisibles.