Sylvie Briand, directeur, gestion des risques infectieux, à l’OMS, explique lors de sa Speed Vision au Festival de la Communication Santé 2017 les dangers d’une mauvaise information lors d’une épidémie, qu’elle nomme « infodémie ». Elle peut s’avérer pire que l’épidémie en tant que telle et avoir de graves conséquences sur la santé et la sécurité des populations.
Les épidémies se propagent de plus en plus avec la mobilité des populations. Les personnes voyagent, les microbes aussi. Notre siècle a déjà connu pas mal d’épidémies internationales : le SRAS en 2003, le choléra en Haïti, la pandémie de grippe H1N1, en 2009, Ebola en 2014, puis Zika en 2015-2016 qui est présent dans plus de 70 pays. La dernière épidémie en date est la peste à Madagascar.
Parler de la communication des risques pour lutter contre l’infodémie
À chaque épidémie, son épidémie de rumeurs, malheureusement certaines d’entre elles peuvent être mortelles. Lors d’Ebola, huit personnes ont perdu la vie, tuées à la machette par une communauté. Il s’agissait d’un Préfet et de gens qui l’accompagnaient, partis rendre visite à une communauté dans le nord du pays pour voir quelle était la situation pour Ebola. Ils ne sont malheureusement jamais revenus de ce voyage. Le phénomène de l’infodémie ou épidémie de rumeurs prend beaucoup d’ampleur avec les réseaux sociaux et les nouvelles possibilités de communication. Comme les épidémies augmentent avec les voyages, l’infodémie s’accroît avec les nouvelles technologies. C’est un enjeu extrêmement important à prendre en compte.
A chaque épidémie, son lot de rumeurs
Trois groupes de rumeurs se propagent lors d’une épidémie : celles qui portent sur la maladie en elle-même ; les rumeurs sur les traitements comme les médicaments, les vaccins ou même d’autres mesures de santé publique ; et évidemment la théorie du complot qui peut ressurgir lors des épidémies. Par exemple, pendant l’épidémie de grippe en France, nous entendions parler de la « gripette » et le gouvernement était critiqué d’avoir acheté trop de vaccins laissant sous-entendre que cela en était suspect. En Sierra Leone, pendant l’épidémie d’Ebola, les gens disaient de ne surtout pas aller dans les centres Ebola, « On va vous tuer et prendre vos organes qui seront ensuite envoyés aux USA ou en Europe ». En Angola où sévissait une épidémie de fièvre jaune, maladie pour laquelle il existe un très bon vaccin, nous avons mis en place un dispositif de vaccination de toute la capitale qui comprend 7 millions d’habitants. Malheureusement, beaucoup d’entre eux ne voulaient pas être vaccinés car les rumeurs disaient que vous ne pouviez ni boire de bière, ni prendre de douche pendant 7 jours après la vaccination.
Savoir communiquer et rassurer
L’infodémie cause un gros problème sanitaire. Nous arrivons, en général, à contrôler l’amplification de la maladie avec de bonnes interventions de santé publique, mais nous faisons abstraction de l’infodémie et ne contrôlons pas toute l’information entourant la mise en place des mesures de santé publique, alors un rebond dans la transmission de la maladie s’opère. La communication du risque est d’abord l’interface entre la science et la communication. Si la communication est une science, elle demande aussi beaucoup de talent, synonyme d’art. Quand nous essayons de gérer une crise sanitaire comme une épidémie, il est encore plus important d’avoir la bonne communication du risque de façon à ce que les populations soient impliquées dans la réponse et adoptent les comportements permettant de stopper la transmission de la maladie. La communication du risque consiste à informer et à impliquer toutes les personnes potentiellement à risque lors d’une épidémie. Nous avons tous un rôle à jouer. Nous devons aussi rassurer parce que toute épidémie s’accompagne de peur.
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