Aujourd’hui, le journaliste n’a plus l’exclusivité de l’information, tout le monde peut prendre la parole ! Face à la démultiplication des sources et à la diffusion instantanée, massive et en flux continu de l’information à travers Internet et les réseaux sociaux,, on observe de plus en plus fréquemment la survenue de « nouvelles » volontairement présentées sur un mode sensationnel et dramatique, sans vérification systématique.
Fake news et désinformation
Certaines de ces « nouvelles », intentionnellement créées dans le but de manipuler l’opinion, sont de vraies fausses informations que l’on appelle « fake news ». D’autres, et c’est beaucoup plus subtil, vont être erronées, mal interprétées, faute de temps pour les journalistes pour vérifier leurs sources ou analyser en profondeur les résultats d’une étude. Ces informations vont être de nature à porter atteinte à nos croyances, à semer la confusion, entraînant par exemple des changements de comportement de la part des patients vis-à-vis d’un traitement ou même des citoyens vis-à-vis de règles de prévention, c’est le cas de la vaccination.
Une mondialisation de l’information sur un mode dramatique
Ces informations sont immédiatement reprises par l’ensemble des médias, le plus souvent de manière brute, à l’identique sous forme de « copier-coller », sans recul et sans contrepoids dans un premier temps. Plus ou moins fondées, elles peuvent déstabiliser le public. Des notions complémentaires, voire contradictoires, et des considérations plus nuancées, seront parfois émises quelques jours ou semaines plus tard. Pour autant, l’impact de la « révélation » initiale aura traumatisé l’opinion.
Des dérives médiatiques dangereuses pour la santé publique
Ces dérives médiatiques de l’information santé font ainsi beaucoup parler d’elles dans une grande cacophonie due la plupart du temps à la diversité des acteurs qui défendent des enjeux divergents. Elles peuvent mettre en cause la responsabilité des industriels, des autorités sanitaires et des politiques. Cette situation entraîne défiance et discrédit envers les chercheurs et la recherche, les entreprises du médicament, voire les médecins et par leur répétition, les journalistes eux-mêmes. Elles jettent le discrédit sur les politiques de santé mises en oeuvre au niveau national et international.
Une information santé spectaculaire passée au crible
Information scientifique discutable ou mise en cause polémique, comment dépister, diagnostiquer, traiter et éradiquer rapidement ce phénomène d’emballement médiatique ? La médiatisation des résultats d’une étude menée par deux éminents experts américains, « Variation in cancer risk among tissues can be explained by the number of stem cell divisions », publiée en janvier 2015 dans la revue scientifique Science, a ainsi été passée au crible*. Relayée par l’AFP, le 1er janvier sous le titre « Le cancer plus souvent dû à un “manque de chance” qu’à des causes génétiques (Etude) », puis par Leparisien.fr, avec l’AFP, « Santé, deux tiers des cancers seraient dus au hasard », cette information santé spectaculaire largement diffusée dans les médias du monde entier, reprise sur Internet et les réseaux sociaux, montre qu’il s’avère d’une information tronquée et dangereuse pour l’opinion, remettant en cause les politiques de prévention menées contre le cancer. Alertée par la communauté scientifique américaine, les journalistes scientifiques et les réactions des patients sur les réseaux sociaux, l’OMS fera une mise au point 13 jours plus tard, suivi par Science, puis de nombreux médias. Mais qu’aura retenu l’opinion ? C’est toute la question.
Fact-checking : les médias ont été les premiers à lutter contre les fake news
Comment, à travers l’évolution du traitement de l’information à l’ère d’Internet et des réseaux sociaux, transformer les nouvelles pratiques de l’information en opportunités pour la santé publique ? Les premiers à avoir réagi contre la démultiplication des fausses nouvelles sont les journalistes et les médias eux-mêmes, pour préserver leur crédibilité et aussi développer leur audience en diffusant une information sourcée, de qualité et compréhensible par tous. Le Monde a ainsi créé, en 2014, la rubrique « Les Décodeurs » ayant pour objet la vérification d’informations, puis en 2017, le Décodex, outil d’évaluation de la fiabilité des sources d’information. De nombreux médias ont aujourd’hui leur rubrique de factchecking, Pour aller plus loin, une plateforme regroupant l’ensemble de ces différents « fact-checking » serait idéale pour que chacun puisse se faire une opinion.
Plusieurs initiatives dans le domaine de la santé
Le site santé.fr a été créé par le Service Public d’information santé au ministère de la Santé. Il donne accès aux citoyens à une information de référence issue des différents sites Internet notamment des institutions publiques. Reste à le faire connaitre du grand public et pourquoi pas à travers une notification sur les ordonnances, les carnets de santé et les sites des associations de patients ; l’Inserm a lancé en 2018 « Canal Détox », une série de vidéos décalées pour décoder l’actualité scientifique. Pour autant, ces initiatives ne permettent pas de réagir à chaud en cas de fake news et il n’existe aucune plateforme mutualisée dans le domaine de la santé pour les combattre avec pédagogie. L’éducation aux médias et aux réseaux sociaux à tous les âges est elle aussi primordiale, de l’école aux facultés de médecine, en passant par les associations de patients. Trop peu d’acteurs de la santé connaissent et savent s’exprimer sur ces nouveaux médias, ce qui est dommageable en cas de dérives médiatiques.
Si la lutte contre les fake news commence à se mettre en place, il faudra certainement un long cheminement pour être sûr d’avoir accès à une information sincère et véritable. Au fond, c’est un sujet qui nous concerne tous !
Stéphanie Chevrel
Source : https://www.visite-actuelle.fr/
*Cancer et hasard, une dérive médiatique passée au crible, Stéphanie Chevrel, Les Tribunes de la santé 2016/4(n° 53)** Observatoire de l’information santé : www.observatoiredelinfosante.com
À lire :
– Santé, science, doit-on tout gober ? Florian Gouthière, Belin Editeur;
– Décoder l’info, comment décrypter les fake news, Caroline Faillet, Editions Bréal