« Journalisme d’information, journalisme d’émotion ? » - A l’occasion des 48èmes Assises de la Presse Francophone (UPF), Stéphanie Chevrel reçoit, à Yaoundé, au Cameroun, Pierre Ganz, vice-président de l’Observatoire de la Déontologie de l’Information.
Quelle place pour l’émotion dans le journalisme ?
“Une place entière ! Le journalisme est une œuvre humaine et les relations entre les hommes et les femmes passent aussi par des émotions.
Il ne faut pas perdre de vue que le rôle du journaliste est d’informer et non d’émouvoir. Pour cela, il doit connaître ses émotions. Il doit parfois pouvoir utiliser l’émotion pour aider à la perception d’un message, comprendre les émotions des personnes avec lesquelles il interfère - avec le public ou les témoins qu’il peut rencontrer - sans jamais mettre l’idée d’émouvoir au centre de sa démarche. L’émotion est un outil, un avantage collatéral du but principal qui est d’informer et de rapporter des faits exacts, vérifiés et recoupés.”
L’émotion devrait-elle faire partie du code de déontologie des journalistes ?
“Non, l’émotion n’a pas à faire partie du code de déontologie, sinon on va entrer dans quelque chose de subjectif : faut-il aimer ses interlocuteurs ? Faut-il avoir peur ?
Le code de déontologie et d’éthique pose des règles qui permettent de cadrer et d’utiliser l’émotion. Respecter la personne humaine et la vie privée des gens nécessite de respecter l’émotion des gens qui sont en face de vous.
Couvrir les obsèques d’une personnalité dont le décès est une information demande, par exemple, le respect des personnes présentes et de leur émotion, mais une émotion peut être captée qui donnera en elle-même une information sur la cérémonie sans perturber de façon excessive la cérémonie.”
Vous avec écrit un livre sur la déontologie des journalistes, pouvez-vous nous en parler ?
“Publié aux éditions Riveneuve, le livre “Chroniques de déontologie” est accessible sur internet en livre numérique. Il s’agissait de regrouper 50 chroniques publiées dans la lettre mensuelle de l’UPF depuis 2014. J’ai repris toute la démarche en retravaillant ces chroniques de façon à offrir aux consoeurs et confrères un moment de réflexion sur des choses très concrètes du métier.
Je considère que si la déontologie est certes composée des grands principes, de la philosophie, de l’éthique, elle englobe aussi des questions simples : savoir quoi faire à tel moment, savoir si on a bien fait tel jour à tel endroit ou encore savoir si je peux demander l’avis d’un autre.
J’ai essayé d’écrire ce qu’on appelle “les conversations qu’on a à la machine à café” autour de situations très concrètes. Lorsque dans une rédaction, on se dit entre copains : « Tu as été un peu excessif là”, “Ah, bon tu crois ?” Je souhaitais faire un livre qui aide à réfléchir, pas à réfléchir seul. La déontologie, c’est celle d’une profession et c’est bien de frotter ses réflexions à d’autres consœurs et confrères.”
Quel conseil donnerez-vous à un jeune journaliste qui se lance dans cette profession ?
“Etre curieux, maîtriser ses émotions, suivre une formation en intelligence émotionnelle serait sans doute une bonne chose. Respecter son public, les gens auxquels il s’adresse et, bien sûr, travailler à la recherche de l’exactitude, de la véracité, recouper les informations, chercher le contradictoire.
Ne travailler que dans l’intérêt du public. Dans certains pays, les pressions peuvent parfois être fortes pour vous faire travailler dans d’autres intérêts que celui du public. Nous avons connu cette situation en France où les pressions se sont beaucoup allégées même si elles n’ont pas totalement disparu. On vit mieux aujourd’hui qu’il y a 30 ans dans la profession ! Cette réflexion doit être au cœur de sa démarche.”
En savoir plus : https://www.odi.media/que-faisons-nous/ - https://www.pressefrancophone.fr/ https://www.observatoiredelinfosante.com/
Lire : Chroniques de déontologie, Pierre Ganz, Collection “Journalisme aujourd'hui” Coédition Riveneuve/UPF https://www.riveneuve.com/catalogue/chroniques-de-deontologie/
Les journalistes sont sur la sellette. Le public leur dispute sa confiance, les pouvoirs tentent de rogner leur liberté. Réseaux sociaux, informations falsifiées et post-vérités (« fake news ») menacent l’information des citoyens et le fonctionnement des démocraties. Un journalisme professionnel de qualité, indépendant et responsable est la seule réponse possible. Ce livre n’est pas un traité d’éthique. La déontologie est d’abord une pratique, une construction collective pour le respect des faits et des personnes, dans le seul intérêt du public à être informé. À travers les chroniques publiées depuis 2014 au fil de l’actualité, l’auteur passe en revue les « bonnes pratiques » et indique quelques balises pour aider les professionnels à répondre aux questions qu’ils se posent dans l’exercice du journalisme au quotidien.